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Alain Berteau, Objekten à l'image de sa sobriété

En primeur du salon Maison & Objet de Paris où seront présentées des nouveautés qu'il a signées pour Objekten Systems, sa propre marque, mais aussi pour l'éditeur belge XLBloom, le designer belge de l'année 2006 nous a reçu dans son studio.

Installé dans un ancien château d'eau, en bordure du bois de la Cambre, ce lieu inspirant est à l'image de l'homme: sobre et assez poétique.
 
En 2006, vous avez reçu le titre de Designer de l'année en Belgique. Cette récompense a-t-elle été déterminante dans la suite de votre carrière ?
Oui, évidemment. D'abord parce que j'ai été le premier à recevoir cette récompense. Je me suis toujours considéré comme un outsider dans le secteur et là, tout particulièrement. Je pense que personne ne s'attendait à ce que ce soit moi qui la remporte. Elle est également venue à un bon moment. Depuis deux ans, je surfais sur le succès de la TAB chair que j'avais dessinée pour Bulo et dont le succès m'avait valu une immense couverture médiatique. Rien n'aurait pu davantage m'aider que le fait d'être lancé par une marque reconnue sur base d'un produit phare devenu, entre temps, un classique du design belge.
 
Lorsqu'on imagine une telle pièce, est-on d'emblée conscient de dessiner un futur design classique ?
Non, d'autant qu'il a tout de même fallu deux ans avant que les gens ne comprennent vraiment cette chaise. Idem lorsqu'il y a quinze ans, j'ai créé, bien avant Vitra, des panneaux acoustiques pour la marque liégeoise Vange. Ces éditeurs prennent beaucoup de risques. C'est toujours très courageux de miser sur l'innovation. Quant au succès final, il dépend de très nombreux facteurs sur lesquels nous avons plus ou moins de prise : la réalité du marché, le type de distribution, le prix de vente final...
 
Impossible donc d'anticiper un succès ?
La preuve, c'est qu'en 2017, deux produits que nous avons lancés ont séduit d'emblée : Host, la collection de verres que j'ai dessinée pour la marque belge XLBoom en collaboration avec un fabricant de verre soufflé à la bouche. Tout s'est mis en place très rapidement, en toute spontanéité, sur base d'une foule d'idées que j'avais accumulées et qui sont ressorties d'un coup.
 
Dessiner des verres, c'est, en fait, réinventer la manière dont nous buvons et passons du temps à table...
Une table, pour moi, c'est un paysage. Quand je travaille sur des verres, j'envisage l'aspect ergonomique, évidemment. Ça, c'est pour le côté très pragmatique. Je réfléchis ensuite au paysage de la table, à sa silhouette générale. L'idée, c'était aussi d'avoir une collection évolutive et résistante avec des pieds épais qu'on puisse mettre facilement au lave-vaisselle sans avoir peur de les briser.
 
Quel a été votre autre succès en 2017 ?
Keyboard, un produit que j'ai lancé sous mon label Objekten Systems. Il s'inscrit dans la tendance du soft desking. L'idée de ces systèmes d'étagères et de bureaux modulables recouverts de tissus lavables est de créer un environnement de travail chaleureux. Nous les avons déjà installés dans les bureaux de Charleroi Danse et de la société Delacre à Bruxelles. C'est un très bon début. D'autant que ce produit n'est qu'au début de sa vie.
 
Vous nous avez parlé de votre statut d'outsider. Peut-on en conclure, dès lors, que vous ne croyez pas en l'idée d'une patte belge dans le design ?
Je pense en tous cas qu'il faut arrêter les raccourcis réducteurs. Je déteste quand on parle de surréalisme à la belge. Ça ne veut plus rien dire. Je suis né en Allemagne au sein d'une famille franco-belge. Je parle plusieurs langues et ma carrière est internationale. Dans ce sens, je suis ce que j'appelle un bâtard bruxellois. Le désordre de la ville me correspond plutôt bien. Mon travail est le fruit d'un mix de cultures et d'influences.
 
Est-ce que les Belges ne sont justement pas inclassables ? Cette volonté de ne pas se laisser enfermer dans de petites cases ne constitue-t-elle pas l'essence de leur identité ?
Nous avons en effet une absence de prétention qui nous différencie des Parisiens et des designers scandinaves qui ont une capacité innée à se vendre. Même si, à ce niveau, les choses sont en train de changer. La jeune génération de designers belges a compris l'importance de vendre une idée. L'image est devenue plus importante que le produit en lui-même. C'est malheureusement une réalité avec laquelle nous devons composer. Exposer davantage mon travail et donc sortir de mon pragmatisme ennuyeux fait partie de mes résolutions pour 2018. Cela dit, l'exposition ne fait pas tout. Et certainement pas une carrière.
 
Qu'est ce qui fait alors le succès d'une carrière ?
La capacité de créer des objets innovants, mais qui ne soient pas bizarres, des objets qui tiendront toujours parfaitement la route dans quinze ans. Cette quête de la non obsolescence du design ne suffit pas. Dans mon métier, on ne peut pas être ennuyeux.
 
Vous aimez parler d'objets "super-cool". Expliquez-nous.
Quand je planche sur un projet, je pense au confort et au prix: résoudre ce type de problématiques me passionne, c'est mon côté fonctionnaliste. Je suis aussi intéressé à la plus-value objective que je vais pouvoir apporter.
 
Et pour la Fabric Chair, la nouveauté que vous présentez à Maison & Objet, quelle était votre intention ?
D'abord, il y a l'exploit technique lié à ce design. Pour cette chaise, nous n'avons utilisé ni colle, ni mousse. Nous sommes partis d'une technique de tricot 3D qui nous permet de réaliser, d'une pièce, une housse en polyester recyclable qui s'ajuste sur un cadre 100% acier, recyclable lui aussi. C'est donc un produit ultra très confortable qui permet de faire se rencontrer une technologie de pointe, et une approche low tech et écologique du design. Cette chaise ne cache rien. C'est presque un squelette. Elle est sincère et tient ses promesses. Je suis convaincu que dans quelques années, ce type de tricots techniques va envahir les intérieurs.
 
D'autant qu'elle prend en compte, de par sa conception, le moment où elle sera trop usée pour être utilisée.
Oui puisque tout est recyclable, 'cradle-to-cradle'. Je pense qu'il est absolument indispensable d'arrêter d'accepter, comme une évidence, l'idée qu'on mette les choses à la poubelle une fois qu'elles ne servent plus. Dans nos intérieurs, il faut donc redonner une place de choix aux beaux objets de qualité, écologiques et produits localement. On ne combattra toutefois pas le consumérisme avec des arguments accablants et moralisateurs. Notre job, en tant que designers, est de rendre cette qualité et ce Made in Belgium, élégants et désirables.
 
Plus d'infos sur le designer
 
Wallonie-Bruxelles Design/Mode
 

Dernière mise à jour
01.02.2018 - 11:51
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