TILQUIN Boris

Boris Tilquin est un auteur-scénariste belge francophone né à Namur en 1988. Après avoir co-signé plusieurs courts métrages de cinéma maintes fois primés en festivals et décroché le Prix du Script-Dating au Festival de Liège pour le scénario de son premier long métrage, Boris Tilquin intègre l’Association des Scénaristes de l’Audiovisuel tout en développant des projets de cinéma et de séries télévisées belges en collaboration avec de nombreux auteurs-scénaristes de sa génération. Une résidence sur l’Île de Comacina permis à Boris Tilquin de développer un projet littéraire : son premier roman. 


Compte-rendu

Tout commença des années plus tôt. Je retrouvais alors une ex-petite-amie à la terrasse d’un bar de Bruxelles. Entre nous, la rupture ne s’était pas faite sans difficulté, aussi avions-nous choisi de couper les ponts. Depuis, l’eau avait coulé dessous. Du moins l’imaginais-je. Contre toute attente, notre rendez-vous fut catastrophique. La jeune fille qualifia mon comportement de « froid » et « distant ». À l’inverse, j’estimais qu’elle était responsable de ce malentendu : le temps d’une bière, celle-ci n’eut de cesse d’inlassablement convoquer l’image de l’homme que j’étais, cet homme d’autrefois. De toute évidence, je ne me conformais plus au souvenir qu’elle se faisait de moi. Cela peut sembler évident. Or, la jeune fille était incapable de s’y résoudre. C’était comme si l’homme que j’étais devenu lui faisait violence. 

En rentrant chez moi, je m’interrogeais : Et si un homme changeait radicalement, physiologiquement, après chaque relation personnelle ? Et si ses conquêtes étaient toutes aussi radicalement incapables de l’accepter ? Et si cet homme les rencontrait toutes, au cours d’une nuit, que se passerait-il ?

Cette expérience singulière fut le déclencheur d’un processus de réflexion, qui lui-même engendra l’idée d’un premier roman sur la nature fictionnelle de l’identité, du point de vue de ceux qui la font vraiment : les autres.

Or, se retrouver sur une île en territoire étranger, c’est surtout faire l’expérience de soi.

Je ne pouvais pas rêver pire endroit pour m’intéresser aux autres, pensai-je d’abord. Je me trompais. Au fil des jours, l’île est devenue un partenaire de travail à part entière. Au petit matin, avant l’arrivée des touristes, c’est comme si l’île vous appartient – au levé du soleil, la terre grouille d’insectes et de lézards farouches, des lièvres et des faisans se dissimulent dans les feuillages et suivent votre pérégrination de ruines en ruines, parmi les vestiges d’un passé qui vous rappelle que vous n’êtes rien au regard de l’Histoire. Un climat propice à l’écriture de ce premier roman.

Les deux premières semaines m’ont surtout servi à me remettre dans le bain de l’écriture, trouver mon rythme, développer une méthode qui permette de mettre à profit ces trois semaines solitaires. Je décidai de travailler six jours par semaine et, le dernier, me reposer – sans doute étais-je inspiré par le climat spirituel des rives bordées d’églises et de chapelles du Lac de Côme. Je devais, à ce stade, relire, annoter et corriger consciencieusement les premiers chapitres de ce roman en construction. Ensuite, je souhaitais reprendre la rédaction avec, pour but, d’avoir à la fin du séjour en main propre, une première version dactylographiée du manuscrit. Il faut dire aussi que les auteurs qui m’ont le plus ému et influencé sont des romanciers qui s’astreignent à une recherche linguistique. Aussi, convaincu que l’écriture romanesque ne peut s’abstenir d’une recherche formelle, sans pour autant lui sacrifier la narration, il m’est impossible d’écrire sans m’attacher à cette recherche et celle-ci nécessite du temps, de l’espace de création afin de trouver le ton juste, le bon mot, l’équilibre d’une phrase, d’un chapitre et d’une œuvre en elle-même. Les deux premières semaines n’étaient pas de trop pour retrouver mes marques dans le récit, grâce à ces importantes étapes de corrections. L’écriture littéraire n’est pas une science exacte et, finalement, je dû me contenter de ces retouches sans attaquer profondément le corps du texte.

Néanmoins, je ne quittai pas l’île déçu. J’avais besoin de temps et d’espace pour réfléchir en profondeur ce roman et, de ce fait, la résidence à Comacina fut une aubaine. En plus de m’extraire du monde, l’environnement reculé sans être autarcique était propice à l’écriture. Je pu prendre le temps nécessaire pour réfléchir en profondeur la forme et le fond du roman – nul doute que celui-ci est désormais plus solide.  

En plus, j’y fis la connaissance du peintre flamand Jo Michiels. Celui-ci résidait dans la villa d’à côté et, au cours de baignades dans le Lac mais aussi de longues conversations nocturnes, nous pûmes chacun nous rendre compte de l’aubaine que constitue cette résidence. Le temps et l’espace qui nous y est octroyé n’ont aucune commune mesure avec ceux qu’on est capable de s’aménager au pays, entre deux plages horaires, deux deadlines, deux autres projets. C’est une mise entre parenthèse de notre vie pragmatique, qui nous permet d’entrer dans les profondeurs de notre discipline –en tant que professionnel, on en sort grandi.

 

Remerciements

Merci à Sandra Nicouleau, Fabiana Vitta et toute l’équipe de WBI pour leur confiance et leur soutien direct et indirect dans cette aventure.

 


Dernière mise à jour
29.10.2017 - 14:06

Retour