Actualités

Pierre de Maere, un dandy flamboyant réaliste

Pierre de Maere aux Francofolies de Spa 2022 © J. Van Belle - WBI
Pierre de Maere aux Francofolies de Spa 2022 © J. Van Belle - WBI

Notre rendez-vous, il a failli l’oublier, accaparé qu’il était par une séance de travail en studio avec son frère, ainé de deux ans, ingénieur du son et producteur, avec lequel Pierre de Maere travaille depuis le début.

C’eût pu être un simple jeu de frangins, à qui chante gagne, à qui joue mixe, si cela n’avait pas pris un sérieux chemin professionnel voici trois ans. 
 
« Oh pardon pour mon retard, on chipote sur le prochain album, on a déjà les débuts de 6 ou 7 morceaux, c’est très excitant et en plus on s’amuse ».
 
Tout est allé si vite pour le jeune Ucclois de 22 ans. En mars 2020, il diffuse son premier titre en français, Potins Absurdes. En janvier 2023 sort son premier album, Regarde-Moi. Le 10 février, il reçoit le prix de la Révélation masculine de l’année lors  de la 38e cérémonie des Victoires de la Musique. Le 23 février 2023, son single Un Jour, Je marierai un Ange devient disque de diamant en France. Gros tsunami en diffusions radios ajouté à cela un effet TikTok, le titre est certifié single de platine (30 millions de streams en France).

Intuitif, instinctif, autodidacte et sûr de son coup !

On ne peut guère dire que vous avez ramé, de répète en répète dans le fond d’un garage avec des copains. C’était écrit sur les réseaux sociaux — Make me famous (rendez-moi célèbre) — et dans le morceau Menteur : « Maman, un jour, je serai  une superstar ». Il suffisait de le dire pour que cela arrive ? 
 
Le fait d’y croire, c’est essentiel. Je constate que beaucoup de mes amis qui sont plus brillants que moi, ne pensent pas avoir les épaules, ne se projettent pas, ça les empêche d’avancer. Pourtant, celui qui a un peu de talent et qui y croit pleinement, qui a une confiance aveugle en ce qu’il fait, peut y arriver. Quand j’ai arrêté totalement mes études pour me consacrer à la musique, je me suis projeté, il n’était pas question de rater, je n’avais pas de plan B. J’avais seulement ces  mélodies qui me venaient en tête sous la douche, sur lesquelles aujourd’hui encore je mets n’importe quels mots, un yaourt au piano, la musique est là, ensuite je m‘attaque au texte. 
 
Vous avez commencé, dit-on, à 10 ans sur un Ipod Touch en chipotant. On peut d’ailleurs remercier maman de vous avoir laissé l’Ipod Touch entre les mains, ça a du bon parfois ?
 
Oui et je pense que le secret est dans l’âge. Commencer très tôt, c’est une très bonne chose, j’étais curieux, je ne me posais pas trop de questions. A 12 ans, je ne savais pas si ce que je faisais était bon ou mauvais, j’avançais. Pour revenir à l’Ipod, je ne jouais pas beaucoup, je n’avais pas de jeux vidéo, c’était déjà la musique, la photo et la création qui me passionnaient au travers de la technologie.
 
Vos goûts musicaux Lady Gaga, Polnareff, les Rita Mitsouko, c’est un peu vieillot, non ?
 
A 12 ans j’écoutais des trucs de mon époque, des rappeurs et tout le reste, mais surtout Lady Gaga dont je suis tombé amoureux. Il y avait une audace, une fraicheur, une ouverture que j’adorais. Ensuite, plus j’ai grandi plus je me suis plongé dans les morceaux de mes parents, cela m’a beaucoup influencé. Papa c’était Genesis, Pink Floyd, maman plutôt Françoise Hardy et mon frère des trucs plus pointus, mais il a fallu un peu de temps. Aujourd’hui c’est un mélange de tout ça.
 
Pour contrer l’ennui d’un petit village du Brabant wallon, on se met à la création ? C’est assez romanesque.
 
Oui mais bon, ce n’était pas la misère non plus, j’avais les copains de l’école de Walhain, c’était quand même charmant comme campagne. Mais c’est vrai qu’on n’a pas eu la télé très tôt, on a dû s’occuper différemment, il n’y avait pas grand-chose à faire, il n’y avait pas de bowling, de cinéma, on n’allait pas dans les cafés à 14 ans. On était livrés à nous-mêmes et mon frère faisant de la musique, prenant des cours de guitare, je me suis mis à la batterie et c’est en m’accompagnant  vocalement que j’ai commencé à faire des chansons. Ces « batterie/voix » dans ma chambre ça devait être l’enfer pour les autres mais pour moi c’était super.
 
Vous aimez le terme flamboyant, vous vous définissez comme tel, mais l’êtes-vous de manière transversale ? Mode, style vestimentaire, look télégénique, un peu dandy, vous avez trouvé votre ADN rapidement ?
 
Oui ce sont mes goûts. Mais en même temps, là en ce moment, je suis en pull gris à capuche et pantalon noir. Par contre, quand je suis au devant de la scène artistique, je pousse les curseurs à fond. Les costumes pailletés, les silhouettes très  marquées, taille cintrée, c’est ce que je suis, ce n’est pas juste un personnage mais c’est le « moi » des grands soirs. Pour mon premier clip, je me suis rendu compte que, la veille, je n’avais rien à me mettre. On est donc allés chez Gucci avec mon  manager pour acheter un costume pailleté rouge magnifique, très cher, ce n’est pas moi qui ai payé, on l’a ramené le lendemain pour se le faire rembourser. Ce qui est drôle, c’est qu’il y a trois mois Gucci me l’a offert en guise de symbole. L’important c’est que cela me met en confiance pour chanter. Je chante plus juste en costume. Je maitrise mieux, je m’émancipe de mes angoisses. De toute façon, plus mon travail sur scène est millimétré plus je m’amuse.
 
Chanter en français, suite à un premier morceau Judas en anglais, c’était une évidence ?
 
Je me suis mis au français quand tout est devenu plus sérieux. Je me suis dit « bon ok mon anglais n’est pas suffisamment bon que pour pouvoir offrir de la qualité et m’épanouir dans un univers ». Il était évident que ça devait passer par un  phrasé, une façon de chanter dans ma langue maternelle, comme les « r » qui roulent, les envolées dans les aigus, même dans l’écriture, aller vers ce que je suis vraiment, en profondeur, travailler sur le verbe, les mots, en anglais ça aurait été  impossible.
 
Quand vous évoquez votre univers, cela passe forcément par des pochettes et des photos stylées mais aussi par des clips comme celui de Mercredi, qui n’est pas sans rappeler la scène mythique du repas dans Beetlejuice sur Harry Belafonte ?
 
Je suis heureux que vous disiez ça ! Ce clip est une référence évidente à Tim Burton, j’ai visuellement mes idées et suis très impliqué dans le processus de création mais je me laisse porter par les gens dont c’est le métier. Je remets une note d’intention aux réalisateurs, puis je leur laisse la main. J’aime la fraicheur d’une nouvelle lecture, je travaille avec des gens comme Hugo Jouxtel ou Edie Blanchard (fille de Philippe Katerine, ndlr), on a imaginé ensemble les couleurs et la texture de l’album, hors de question de m’extraire de cela.
 
Zola disait « je pille le réel », vous aussi ?
 
Non, je préfère plutôt m’en affranchir car je trouve le réel parfois un peu ennuyeux. Et en tant qu’auteur, chanteur, je voudrais créer des univers inattendus, j’aimerais que les gens aient envie de vivre dans mes chansons. J’aime créer des ambiances, j’aime l’excès dans mes paroles, l’amour à mort, idéalisé ou dramatisé, jamais normal.
 
Dans le morceau J’aime, J’aime, Pierre de Maere aborde la célébrité qu’il dit apprécier pour le moment car elle est encore à ses balbutiements. Avec 38 festivals en France, Belgique, Suisse et Canada en 2023, il prend garde à rester les pieds sur  terre. Sa famille est là, qui veille. John Updike disait « La célébrité est un masque qui mange le visage », Pierre, en créant des personnages à paillettes, s’en joue déjà, il a tout compris. 
 

Prochains concerts

  • 15.02.2024 – OM, Liège
  • 16.02.2024 – Théâtre Royal, Mons
  • 09.04.2024 – Cirque Royal, Bruxelles
  • 10.04.2024 – Cirque Royal, Bruxelles

Par Catherine Haxhe
 
Cette interview est tirée de la Revue W+B n°162.
 
Découvrez l'interview vidéo de Pierre de Maere réalisée dans la cadre de sa participation au jury du dernier Festival international de mode, de photographie et d'accessoires de Hyères.
 

 

Dernière mise à jour
06.02.2024 - 15:47
Retour