Sénégal | Vers une autonomie pharmaceutique avec le projet Madiba et un vaccinopole ultramoderne
Madiba, c’est le nom tribal du clan Mandela et désormais celui d’un centre régional de fabrication de vaccins ultramoderne qui produira bientôt jusqu’à 300 millions de doses destinées au Sénégal et au continent africain.
La pandémie de Covid-19 a révélé la difficulté pour certains pays, notamment en Afrique, de s’approvisionner en vaccins et leur dépendance à la production internationale. L’Afrique ne produisant qu’ 1% des vaccins qu’elle consomme, la fabrication locale de ceux-ci est devenue un enjeu majeur.
A l’occasion d’une visite en Belgique en 2021, le président du Sénégal Macky Sall avait manifesté cette priorité en signant deux déclarations d’intention avec des centres de recherches et de production belges pour autonomiser son pays dans la fabrication de ses vaccins.
Retour au débutConvergence d'intérêts
Cet intérêt manifeste pour développer des compétences en biotechnologies et des unités de production locale de vaccins a rencontré l’intérêt de l’entreprise wallonne Univercells qui poursuit l’objectif de rendre les médicaments biologiques accessibles à tous. Cette société créée en 2013 par Hugues Bultot et José Castillo a développé à ses débuts, une plateforme de production de vaccins totalement innovante à partir de solutions industrielles simples permettant de produire des vaccins partout dans le monde.
Depuis la petite société a bien grandi. Entre levées de fonds spectaculaires et acquisitions (SynHelix biotech française, RLM Consulting, société belge spécialisée dans le conseil sur la réglementation en matière de médicaments), elle se développe désormais à l’étranger.
Avec sa filiale Unizima, elle poursuit des projets de bio-production et de transfert de technologies à l’international. Après avoir contribué à la mise en place d’un centre de formation biotechnologique en Afrique du Sud, Uzima participe aujourd’hui, sous l’égide de l’Institut Pasteur de Dakar (IPD) et en collaboration avec My Engeneering à la mise en œuvre d’une remarquable unité de production de vaccins à Dakar avec sa plateforme Nevoline Upstream.
Retour au débutMadiba, le programme université-entreprise et WBI
Le professeur Amadou Sall, Directeur de l’IPD, a présenté le projet Madiba à la délégation belge.
Fondé en 1896, l’Institut Pasteur de Dakar est un pôle de recherche biomédicale dédié aux populations africaines qui s’attache particulièrement aux problèmes de santé publique et notamment aux questions épidémiques. Découvreur en 1927 du virus de la fièvre jaune, l’IPD est un des quatre producteurs mondiaux du vaccin contre cette maladie.
Avec la pandémie de Covid 19, l’IPD a révélé toute la pertinence de sa présence comme pôle de santé régional africain en offrant son expertise en matière de production de vaccins, de formation, de recherche et de surveillance épidémique mais aussi en comprenant la nécessité d’innover rapidement pour répondre de façon autonome aux problèmes de santé publique sur le continent.
Ainsi, depuis 2021, cette fondation privée créée en 1896, développe un projet ambitieux de «vaccinopole», estimé à plus de 200 millions d’euros et financés en partie par la Banque européenne d'investissement (BEI). Il est situé dans la zone stratégique située entre le port du Futur de Ndayane, Dakar et son aéroport. L’IPD produira bientôt des vaccins pour des campagnes de vaccinations systématiques et lors de flambées épidémiques.
Afin de mener à bien la mission qu’il s’est donné de rendre accessibles les vaccins et les innovations en matière de santé publique, l’IPD a donc relevé le défi de la création de cette importante unité de production avec le projet Madiba et sa plateforme de fabrication pour la production de vaccins contre les épidémies auquel s’ajoute un site dédié à la production intensive de vaccins contre la fièvre jaune mais aussi un site de formation pour la production de vaccins nouvelle génération.
Retour au débutWBI soutient la formation des futurs techniciens du vaccinopole de Dakar
Cette production à grande échelle soulève donc un autre enjeu majeur celui de la formation des techniciens qui auront à porter ce projet innovant.
A cette fin, WBI s’est engagé dans le cadre de sa coopération avec le Sénégal, à soutenir un partenariat entre des universités et des entreprises actives dans le domaine des biotechnologies en ouvrant un programme de formation de personnel qualifié dans ces métiers.
Depuis mars 2023, des étudiants et professeurs sénégalais de l’Université Amadou Mahyar Mbow, seconde grande université de Dakar, ont ainsi la possibilité de suivre une formation de six mois, d’abord théorique à l’Université libre de Bruxelles, et pratique sur le site même d’Univercells à Nivelles dans un environnement de technologies de pointe. L’objectif de ce projet est de soutenir la formation de professionnels techniques et scientifiques dans le domaine de la bioproduction dans un contexte d’émergence du secteur pharmaceutique en Afrique et en particulier en république du Sénégal.
Mariama Doucoure et Khadidiatou Diop, licenciées en génie des procédés de l’Université Amadou Mahyar Mbow ont saisi l’opportunité qu’offrait cette double formation : avoir accès à un savoir scientifique et technologique de pointe, appuyé par une réelle expérience professionnelle. Encore à la recherche de leur spécialisation universitaire, mais étudiantes d’excellence, elles ont été sélectionnées par leur université pour participer à ce programme université-entreprise et venir en Belgique.
Elles sont encadrées par le professeur Serigne Fallou Wade, biologiste de formation qui enseigne la biologie et la bio-informatique dans leur université. Après un parcours universitaire et professionnel en France, aux Etats-Unis, au Canada et en Arabie Saoudite, le professeur Wade a choisi de revenir au Sénégal. Il est un des référents universitaires du partenariat université-entreprise dans le cadre du programme Madiba. Son expérience à l’étranger, lui permet d’accompagner efficacement cette première promotion d’étudiantes tant sur des aspects pédagogiques que sur ceux posés par l'expatriation.
Ils viennent de suivre à l’ULB une formation informatique intense orientée en biotechnologie. Aujourd’hui, les deux étudiantes découvrent le séquençage ADN chez Univercells. D’abord curieuses de vivre une nouvelle expérience, elles apprécient l’encadrement, l’intensité de la formation et surtout la découverte d’une nouvelle matière qui pourra certainement les aider dans leur orientation. Habituées des procédés industriels, elles apprivoisent l’utilisation spécifique de l’informatique dans l’analyse de données liées aux virus et aux vaccins.
Pour chacun, le programme est dense et dépasse largement la formation professionnelle. Rejoindre le projet Madiba, c’est déjà pour tous les trois, accéder aux enjeux de santé publique posés notamment par les épidémies et participer au développement du Sénégal.
« On nous attend là-bas. Le Sénégal a besoin de personnes qualifiées qui ont des projets, qui prennent la main. On doit comprendre les besoins et les résoudre de façon inclusive en impliquant tout le monde », expliquent-ils.
« Participer à cette formation, c’est aussi augmenter ses chances de trouver ou de créer son emploi face à un marché saturé de diplômés » ajoute Mariama Doucoure.
Derrière le programme Madiba et le développement de multiples partenariats, il s’agit donc de participer à «l’échange de savoirs, de connaissances. Plus d’échange signifie plus d’expansion. Plus on se connaît, plus on apprend les uns des autres, avec la perspective de fusionner tout ça» souligne le professeur Wade. Fusionner, en créant ppourquoi pas, un master interuniversitaire entre la Sénégal et la Fédération Wallonie-Bruxelles dans les domaines des biotechnologies.
Conscientes des enjeux et des objectifs du programme université-entreprise proposé par WBI, l'ULB et l'Université Amadou Mahyar Mbow, Mariama Doucoure et Khadidiatou Diop envisagent un avenir professionnel au Sénégal, lié désormais, aux ambitions de leur pays qui couvrent trois axes stratégiques majeurs, la transformation structurelle de l’économique et de la croissance, les questions de capital humain, protection sociale et développement durable et enfin la gouvernance à travers les institutions et les question de paix et sécurité.
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