Désertification ? La mise en défens des terres, une technique éprouvée avec succès au Burkina Faso

Face à l’avancée de la désertification et la dégradation des terres au Sahel, des initiatives locales offrent parfois des solutions concrètes et prometteuses.
Au Burkina Faso, l'ONG Tiipaalga, développe avec succès depuis 30 ans un modèle de mise en défens des terres, action aujourd’hui accompagnée par le projet "Coopérer pour le climat" déployé par l’APEFE et financé par l’Agence Wallonne de l’Air et du Climat (AWAC).
L’objectif du projet de mise en défens (MED) est de transformer des terrains dégradés en écosystèmes florissants, tout en améliorant les conditions de vie des populations rurales. Présenté lors de la dernière COP, il s’inscrit dans l’ambitieuse initiative de la Grande Muraille Verte au Burkina Faso et offre des enseignements précieux pour la lutte mondiale contre le changement climatique.
Un territoire sous pression, une urgence écologique
Au Burkina Faso, comme dans de nombreux pays du Sahel, près de 80% de la population dépend directement du secteur primaire pour sa subsistance. Agriculture, élevage et exploitation des ressources forestières constituent les principales activités économiques des populations rurales. Cette dépendance aux ressources naturelles, combinée à une forte croissance démographique, exerce une pression considérable sur les écosystèmes.
Le défrichage excessif, les coupes de bois non contrôlées, les pratiques agricoles non durables, ajoutés à la divagation du bétail et l’expansion de l’exploitation minière accélèrent la dégradation des terres et la désertification. Ces facteurs anthropiques menacent directement la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des populations locales. Entre 2002 et 2013, 19% du territoire national du Burkina Faso, a subi une dégradation avancée des sols et une déforestation massive.
Malgré diverses initiatives antérieures, campagnes de reboisement, techniques de conservation des eaux et des sols, création d’espaces protégés, les résultats sont restés mitigés, avec notamment un faible taux de survie des nouvelles plantations. C’est dans ce contexte qu’émerge l’approche novatrice de la mise en défens selon le "modèle Tiipaalga".
Le modèle Tiipaalga, une approche familiale de restauration des terres
L’originalité du modèle Tiipaalga réside dans son approche centrée sur le noyau familial, responsabilisant directement les ménages dans la gestion durable des ressources naturelles. Le principe est simple mais efficace : protéger une parcelle d’au moins 3 hectares contre les intrusions humaines et animales, par une clôture grillagée et y appliquer un ensemble de techniques d’aménagement et de gestion durable. On compte parmi celles-ci, la régénération naturelle assistée des arbres, la techniques antiérosives comme le zaï ou les cordons pierreux, la plantation d’espèces locales utilitaires comme le baobab ou le jujubier ou encore la valorisation des produits forestiers non ligneux comme le miel, les fruits, les plantes médicinales. Jusqu’à aujourd’hui, 425 parcelles de 3 ha ont été protégées, regénérant plus de 1.219 hectares de terres en assurant aussi la plantation de plus 136.952 arbres
Des résultats concrets pour les communautés locales et pour l’environnement
L’implantation des mises en défens a montré des résultats très convaincants. En comparant des zones protégées et non protégées, les sites MED affichent une densité d’arbres jusqu’à trois fois supérieure et une plus grande diversité d’espèces. Au-delà des bénéfices écologiques, l’impact économique est net pour les propriétaires de MED qui voient leur revenu annuel doubler grâce à la vente de produits forestiers et à l’apiculture. "Grâce à cette initiative, j’ai reçu du matériel et suivi des formations pour entretenir la MED. Aujourd’hui, je peux stocker du fourrage pour mon bétail et vendre du miel", nous explique ainsi Talato Ouédraogo, bénéficiaire du projet. Les ressources se diversifient entre bois de chauffe, bois de construction, produits multiples issus des arbres, fruits, feuilles, résines, gommes ou encore plantes médicinales pour les soins traditionnels.
Ces espaces de MED deviennent de véritables îlots de régénération écologique, favorisant la revégétalisation naturelle avec une amélioration de la fertilité des sols, la rétention d’eau et le retour de la biodiversité. Avec des bénéfices socio-économiques tangibles, ils apportent la preuve qu’il est possible de restaurer les écosystèmes tout en améliorant les conditions de vie des populations rurales.
Du terrain aux enceintes internationales
Si les sommets climatiques sont souvent critiqués pour leur manque d’action concrète, ils demeurent des tribunes essentielles pour mettre en lumière des solutions locales efficaces et qui pourrait être étendues. À la COP16, la présentation du projet de mise en défens au Burkina Faso, portée par l’association Tiipaalga, l’APEFE et l’AWAC, a permis de souligner l’importance d’un ancrage communautaire fort, du suivi technique et de l’autonomisation des populations dans la réussite et la pérennisation des actions de lutte contre la désertification.
Faire entendre la voix des communautés rurales dans ces enceintes est crucial pour mobiliser des financements et inspirer d’autres régions confrontées aux mêmes défis. En soutenant financièrement les mises en défens au Burkina, Wallonie-Bruxelles via l’AWAC, contribue à la lutte contre la désertification et ses impacts socio-économiques. Cette implication s’inscrit dans une démarche de solidarité climatique, mais aussi dans une reconnaissance de la responsabilité des pays industrialisés dans le dérèglement climatique.





