BD : Rencontre avec avec Gaëlle Kovaliv, codirectrice du Festival BDFIL à Lausanne
La Belgique était le pays invité d'honneur de la 18ème édition de BDFIL, avec une large exposition organisée par le Musée de la BD de Bruxelles : « Pages d’hier, regards d’aujourd’hui de la BD belge » qui présente le travail de 22 artistes ancrés dans la société actuelle.
Pour Sharon Weinblum, Déléguée générale Wallonie-Bruxelles à Genève, très impliquée dans les préparatifs avec son équipe en étroite collaboration avec la Flandre : « La bande dessinée belge a continué de grandir grâce à une nouvelle génération d’auteurs et d’autrices, inventifs et prolifiques. BDFIL nous donne la chance d’en rencontrer une partie lors de ce festival dont : Thierry Van Hasselt, Mathieu Burniat, Max de Radiguès, Emilie Gleason, Didier Swysen (Alcante) et Dominique Goblet. »
Gaëlle Kovaliv est suisso-belge et co-directrice, avec Léonore Porchet, du Festival BDFIL à Lausanne depuis 2022. Elle réalise une thèse sur la bande-dessinée numérique. Gaëlle Kovaliv a travaillé à Bruxelles pour la maison d’édition Les Impressionnes nouvelles de Benoit Peeters.
La Belgique était le pays invité de BDFIL cette année. Vous avez fait le choix, le geste, en termes de curation non pas d’une exposition patrimoniale mais de montrer, d’exposer et d’inviter les autrices et les auteurs vivants, qui créent aujourd’hui. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
Nous connaissions bien en tant qu’expertes la scène belge actuelle mais quand nous parlions de la Belgique autour de nous, c’est Tintin et Spirou qui revenaient. C’était frustrant parce que nous avions conscience de la richesse actuelle et nous souhaitions la mettre en avant au festival. Ce qui est par ailleurs intéressant, c’est que la Belgique est un pays plurilingue comme la Suisse. Cela nous semblait donc intéressant de voir comment les communautés linguistiques dialoguent l’une avec l’autre, comment la bande dessinée dépasse les frontières linguistiques. Ce sont des enjeux qui nous intéressent ici en Suisse et c’était intéressant d’y répondre par la bande et par la bande-dessinée.
Pourriez-vous nous parler de la spécificité et de l'évolution de la bande dessinée belge par rapport à d'autres scènes nationales ?
Quand nous avons choisi d’inviter des pays, nous souhaitions inviter des pays qui thématisent la BD comme un art national et il n’en y a pas tant que ça finalement. Même en Suisse, où la BD a été inventée, il n’y a pas de prix à l’échelle nationale. La Belgique au contraire pense la BD comme un art qui fait partie de son identité. Le propos de l’exposition est « qu’est-ce que la BD pour la Belgique et qu’est-ce que la Belgique pour la BD. » Il n’y a pas beaucoup de pays qui peuvent répondre à ces questions et il nous semblait pertinent de partir de la Belgique qui a un musée et des fonds de soutien.
Qu'est-ce qui vous attire particulièrement dans la bande dessinée belge et pourquoi pensez-vous qu'elle est importante pour un public international ?
La bande-dessinée belge est variée. Elle représente bien l’essence même de la bande-dessinée en général dans les thèmes, dans les esthétiques et une richesse qui en fait un art polymorphe. Il y a de nombreux courants qui se mélangent qui en font un art protéiforme. Je souhaite insister également sur le rôle de l'humour dans la BD belge, thème de notre festival cette année. Il existe une forme de belgitude, que je comprends très bien par mes origines, qui passe très bien en bande-dessinée.
Quels sont les auteurs et autrices francophones et les œuvres de bande dessinée belge que vous recommanderiez particulièrement à un public international qui découvre la richesse de cette scène ?
C’est comme demander de choisir entre mes enfants (sourire) Emilie Gleason me fait beaucoup rire. Elle se démarque par sa palette graphique et par l’absurde. Elle a une espèce de joie communicative, cela passe par les dialogues et ses couleurs. Je suis emportée. J’aime beaucoup la simplicité et la lisibilité du trait de Max de Radiguès. C’est une grande maestria de faire aussi simple et aussi expressif.
Les mots de la fin …
L’histoire de la Belgique est beaucoup plus emmêlée avec l’histoire de la France. On dit la « BD franco-belge » et pas la « BD franco-belgo-Suisse. » Ce qui est intéressant c’est de parler des marges et surtout d’interroger comment les auteurs se sentent, en ne vivant pas à Paris. Nous avons beaucoup à nous apporter. Les liens entre la Suisse et la Belgique dans la bande-dessinée sont féconds notamment dans les institutions. Je pense aux petits déjeuneurs professionnels à Angoulême qui étaient partagés entre la Belgique et la Suisse. Nous avons beaucoup de choses en commun, gagner à être connu et avoir une identité et des solutions qui nous sont propres au-delà même de la BD.
Le Site de BDFIL.
Photos : Jérôme Van Belle - WBI