Une médecine de réseaux et de systèmes pour la Wallonie
Parmi les Initiatives d’innovation stratégiques du DIS 2 (Domaine d’innovation stratégique « Santé renforcée »), MedReSyst plonge dans la mise en place en Wallonie d’une médecine de réseaux. Il s’agit de réseaux d’information, de réseaux d’expertise de spécialistes, mais aussi de réseaux bénéficiant des dernières avancées en intelligence artificielle appliquées au domaine de la santé. Les partenaires de l’IIS œuvrent également au développement d’une médecine personnalisée et préventive basée sur la génomique. Le tout pour le plus grand bénéfice des patients… et de ceux qui ne le sont pas encore !
« Les réseaux d’informations, ce sont, par exemple, les bases de données de patients qui existent déjà dans les hôpitaux », explique le Pr Benoît Macq, de l’École polytechnique de Louvain (UCLouvain). « En les mettant en réseau, on décuple leur intérêt pour le dépistage de certaines maladies et pour de meilleurs diagnostics. Une intelligence artificielle peut faire le tri et comparer ces résultats avec les nouvelles données provenant d’un patient qui vient de subir une série d’examens. »
Pister et traiter de multiples pathologies avec l’aide de l’IA et de la génomique
« Cette médecine des réseaux et des systèmes, couplée à l’IA et validée par l’expertise de spécialistes, va aider à mieux identifier précocement les personnes à risque de développer diverses pathologies », précise le scientifique, qui dirige l’IIS (Initiative d’innovation stratégique) MedReSyst (Médecine des réseaux et des systèmes).
« Prenons l’exemple du cancer », propose-t-il. « Nous travaillons déjà sur un projet qui a pour but de séquencer le génome de tous ceux qui le désirent et de calculer leurs facteurs de risques polygéniques. Une personne qui présente un risque accru de développer un cancer du côlon sera plus rapidement identifiée et donc mieux suivie préventivement.»
Idem pour le cancer du sein. « Aujourd’hui deux tiers des femmes qui passent une mammographie présentent un faux positif », dit-il. « En connaissant leurs facteurs de risques polygéniques, on peut adapter les programmes de dépistage par mammographie. On regarde leur génome. On regarde la densité du sein. Chez les femmes à risque, on maintient un niveau élevé de mammographies. Pour les femmes qui ne sont pas à risque, on diminue la mammographie. Cela signifie qu’on diminue le nombre de rayons X qu’elles reçoivent, et qu’on diminue l’inconfort d’avoir des faux positifs : une expérience stressante. »
Patient connecté, Big Data et hôpital du futur
Un des objectifs de MedReSyst est d’aller vers une médecine wallonne beaucoup plus personnalisée. Ce qui a un impact sur la santé de chacun, mais aussi sur les coûts liés à la santé et sur l’économie régionale.
On notera au passage que d’autres pathologies largement répandues, comme les pathologies cardio-vasculaires, le diabète ou encore les maladies neurologiques comme le Parkinson, l’Alzheimer ou encore les addictions entrent aussi dans la ligne de mire de MedReSyst.
Avec l’IIS MedReSyst, l’idée est donc de développer et d’implémenter dans le système de santé wallon les technologies diagnostiques qui incluent le Big Data et l’Hôpital du Futur. Cela implique aussi un recours massif à l’intelligence artificielle, laquelle doit d’abord être acceptée par les professionnels de la santé.
Valider l’apport de l’IA par un passage au « bac à sable »
Comment aider le secteur médical à adopter plus largement cette IA? En misant sur les coalitions apprenantes. Cela comprend les apports de l’IA, nourrie par les bases de données, validés par les expertises humaines. Cette approche devrait déboucher sur une plus grande confiance dans l’intelligence artificielle par les membres du secteur médical.
« Quand un outil est développé, il est important de d’abord le faire tester largement par les professionnels, les hôpitaux et les entreprises du secteur », reprend Benoît Macq. « Des tests qui prennent la forme de « sandboxes », de bacs à sable, où on se saisit d’un outil d’intelligence artificielle. On le teste, on le critique, on l’améliore, pour au final déboucher sur un produit, une solution validée prête à être implémentée dans le système de santé wallon. »
Le nouvel outil apportera, par exemple, une aide aux urgences, pour mieux gérer les flux, pour le dépistage, etc. En prenant en charge les tâches répétitives et de faible valeur ajoutée, cela soulage… les soignants. Cela favorise aussi, à travers les données collectées, de nouvelles recherches et participe à la gestion des politiques de santé.
« L’idée est de pouvoir fournir des outils utiles et efficaces à toute la communauté médicale », estime le Pr Macq.
Gagner du temps dans le développement de nouveaux médicaments
Ce gain de temps concerne aussi l’élaboration de nouveaux médicaments. « Grâce aux données et aux modèles auxquels on ajoute une couche d’IA, nous allons aussi pouvoir mettre au point des médicaments plus rapidement », explique-t-il encore. « Et ce, en remplaçant toute une série de tests réalisés sur des animaux par des modèles mathématiques et des modèles dirigés par l’intelligence artificielle. En travaillant de la sorte, on réduit le temps de développement de nouveaux médicaments et on augmente la possibilité d’en tester un plus grand nombre. »
Du dépistage au patient connecté, en passant par l’hôpital du futur et le développement de nouvelles molécules thérapeutiques, l’Initiative d’innovation stratégique MedReSyst ratisse large tout en restant cohérente et en misant sur les savoir-faire présents dans la Région.
« L’IIS MedReSyst est une structure articulée. Elle fait le lien entre ses partenaires », insiste le Pr Macq. « L’IIS rassemble les universités francophones, les centres de recherche Multitel et Cetic ainsi que divers hôpitaux. L’industrie est également présente, et pourquoi pas, demain, également des mutuelles », suggère-t-il, avant de conclure : « MedReSyst crée de l’huile et l’injecte dans les engrenages. Chacun de ces engrenages étant des projets. »
Source Daily Science, dans le cadre d'une série d'articles consacrés à la S3 wallonne.